Je connaissais son nom pour avoir lu ses éditos de temps à autre dans le magazine Psychologies. En dehors de cela, l’image que j’avais de Pierre Rabhi était plutôt floue : celle d’un partisan du retour à la terre et à une vie simple. En trois jours et deux événements, j’ai découvert un homme plus complexe que cela et surtout qui vaut la peine d’être connu et écouté. Retour à ce week-end.
Les Colibris
Vous connaissez la légende du colibri ? Un jour, la forêt prend feu et les animaux se retrouvent pétrifiés face au désastre, pris au piège. Alors le colibri s’envole et part collecter dans son bec minuscule une quantité d’eau qui l’est tout autant, pour la déverser tant bien que mal sur le feu. Les autres animaux lui demandent alors pourquoi il se donne tant de mal alors qu’il voit bien que c’est dérisoire. Le colibri leur répond qu’il tente de participer à son niveau à lui à résoudre le problème, il « fait sa part ».
C’est cette histoire qui a donné son nom au mouvement Colibris, que son actuel président Cyril Dion est venu présenter à l’occasion de l’Université de la Terre à l’UNESCO samedi dernier. Le mouvement Colibris regroupe des forums ouverts, répartis sur l’ensemble du territoire. Leur objectif : réfléchir à un nouveau projet de société. Chaque mouvement fonctionne selon un modèle de démocratie « horizontal », dans lequel des personnes qui n’ont pas la même perspective travaillent ensemble pour prendre des décisions qui conviennent à tous.
C’est par le biais de ce système que les « colibris » ont mis au point une feuille de route collective qui propose des mesures que chacun, citoyen, élus local, élu européen, entrepreneur, peut prendre afin de participer à faire évoluer la société dans un sens plus humaniste, en agissant mais aussi en infusant les idées dans la société et auprès des milieux politiques.
Au nom de la terre
Plutôt que le verbe « infuser », Pierre Rabhi, qui a inspiré le mouvement des « colibris », utilise plutôt celui d’ « inséminer ». Un terme surprenant s’il ne sortait pas de la bouche d’un paysan 🙂 En effet, Pierre Rabhi est paysan. Paysan, écrivain et penseur. C’est un peu par hasard que je me suis retrouvée hier, avec une centaine de curieux, dans mon petit cinéma, à l’occasion de la projection d’un film-documentaire qui lui est consacré, « Au nom de la terre ». Si ce titre ne vous dit rien, c’est un peu normal : il n’y a que 20 à 25 copies en circulation de ce film, sorti de manière assez confidentielle dans les salles le 27 mars.
On y voit évoluer ce petit homme entre sa maison-ferme ardéchoise, le Burkina Faso et de nombreuses villes et campagnes françaises. Un peu partout, des gens font appel à lui afin de mettre en place un autre type de système agricole : un système biologique et respectueux de la terre. Des décennies avant tout le monde, Pierre Rabhi a été l’un des pionniers de l’agriculture biologique en France, et surtout de ce qu’il appelle l’« agro-écologie » : « agro » pour agriculture et « écologie » comme (j’ai dû rechercher dans le dictionnaire) « l’étude des relations des êtres vivants avec leur milieu ». On découvre dans ce film un homme simple et humble, militant pacifiste d’une agriculture qui respecte la terre et par là-même, les hommes qu’elle nourrit. Une agriculture qui n’existait plus, mais qu’il essaie inlassablement de promouvoir et de faire renaître depuis des années.
Avec l’avènement du bio et le retour en grâce de l’écologie ces dernières années, Pierre Rabhi fait maintenant plus parler de lui et profite de sa notoriété pour faire entendre sa voix, et ses méthodes, pacifistes (on est loin du fauchage des champs d’OGM), ont aujourd’hui plus de chances d’être entendues. En voyant le film, même si je n’ai pas adhéré à tout, je n’ai pu qu’admirer l’engagement d’un homme pour la vie, un engagement de plus de quarante ans. Je trouve aussi rafraîchissant dans ce film de voir écologie et agriculture réconciliées, mais aussi de voir à l’œuvre des personnes qui ont envie d’autre chose et ont choisi d’agir à leur niveau afin de changer le monde.
« Si on veut que la société change, c’est à chacun de nous d’agir de notre côté. »
En dehors d’être le slogan du mouvement « Tous candidats» présenté par les Colibris à l’élection présidentielle de 2012, ce leitmotiv me semble une belle conclusion aux débats de cette Université de la Terre. Un leitmotiv et un beau challenge, incarnés entre autres par Pierre Rabhi.
Pour aller plus loin, je vous recommande de chercher une salle où se joue encore le film (35 000 spectateurs au compteur, il en faut plus !) et pour ceux qui seront sur Paris ce samedi, de venir au OuiShareFest, forum de la consommation collaborative, qui aura lieu au Cabaret sauvage. Les Colibris y seront présents avec les Incroyables comestibles. Vous ne connaissez pas ? C’est la meilleure raison pour aller y faire un tour !
Monsieur Pierre Rabhi est un sage, au sens propre du terme, qui manifeste sa pensée non seulement par la parole mais aussi par ses actions.
Je vous recommande aussi l’excellent documentaire France5 – Pierre Rabhi – les clés du paradigme (http://www.dailymotion.com/video/xy9irs_empreintes-pierre-rabhi-les-cles-du-paradigme).
Merci pour le commentaire et le lien, que je vais diffuser 🙂
Merci Anne-Marie. Cette jolie fable colibri peut-être appliquée à nombre de situations. Personne ne peut refaire le monde à lui tout seul, mais c’est parce que beaucoup de gens font de petits gestes de leur côté que les choses arrivent à changer. Nous avons tous un certain pouvoir, aussi petit soit-il. Et puis, il ne suffit pas de compter sur les autres, il faut aussi faire sa part…
Merci François, je suis contente de voir que cette fable parle à beaucoup d’autres que moi et oui, je suis tout à fait d’accord avec vous : nul ne peut refaire le monde, mais chacun a un peu de pouvoir. C’est en faisant chacun ce que l’on peut que nous arriverons à faire avancer les choses. Petit détail : je m’appelle Annelise, pas Anne-Marie 🙂
[…] soient scientifiques (Bruce Lipton), philosophes (Pierre Rabhi, sur qui j’avais écrit là), psychologues (Cassandra Vieten), chamanes ou militants altermondialistes (Vandana Shiva, une […]