Qui n’a pas entendu ou lu quelque chose sur l’innovation frugale cette semaine ? C’est simple, le sujet était partout ! Pour satisfaire ma curiosité, je suis allée voir une Up Conférence organisée avec LE théoricien du sujet à la Bellevilloise. A la clé, des échanges très intéressants, plus éclairants que tous les articles parus cette semaine. Voilà ce que j’ai retenu.
Il ne faut pas dire innovation frugale…
… Mais innovation Jugaad. Mince, pour une fois qu’on avait trouvé une traduction française… ! Las, si le terme « frugal » est à la mode et devrait être encore longtemps utilisé, comme toute traduction incorrecte qui se respecte, Navi Radjou a avoué ne pas en être adepte. La raison ? Il la trouve trop réductrice par rapport au concept d’« innovation Jugaad ».
Explication
Le mot « Jugaad » vient du hindi. L’innovation Jugaad désigne la capacité à improviser une solution frugale dans des situations difficiles. Pour développer, l’innovation Jugaad compte trois piliers : la frugalité, qui est donc l’un de ses aspects, la flexibilité de l’esprit et la dimension inclusive.
La rareté ou la raréfaction des ressources partout dans le monde fait de la frugalité un aspect essentiel et de plus en plus incontournable. Petit à petit, les gens, les entreprises, les états doivent et devront faire avec moins. En l’occurrence, le but de l’innovation Jugaad est même de faire MIEUX avec frugalité.
Ce besoin de frugalité implique d’invoquer le deuxième pilier de l’innovation Jugaad, à savoir la flexibilité de l’esprit : une flexibilité synonyme d’ingéniosité, celle qui permet de sortir des sentiers battus pour penser non plus en termes de résolution de problèmes, mais de réponse à un ou plusieurs besoins. Vous voyez la nuance ? Oui je sais, j’ai eu un peu de mal 🙂 Mais sachant que l’être humain moyen quitte l’âge « ingénieux » vers onze ans, évidemment la tâche est d’ampleur.
Le troisième pilier de l’innovation Jugaad, lui aussi intimement lié aux deux autres, est sa dimension inclusive. L’innovation Jugaad a pour objectif de bénéficier, d’apporter de la valeur à une communauté.
« Quoi de neuf sous le soleil ? »
C’était la réaction de plusieurs personnes dans le public mardi, lesquelles avaient pour point commun… de ne pas être françaises, ni européennes 🙂 Car si en France le concept fait figure de grande nouveauté, je vous annonce si vous ne le saviez pas encore que Navi Radjou n’a rien inventé ! Il a simplement posé par écrit un mode de fonctionnement et de pensée qui existe déjà depuis des temps immémoriaux dans de nombreuses communautés. On le retrouve plutôt dans des pays (ou des régions) émergents où les habitants, contrairement à ceux des pays « développés », connaissent intimement et historiquement le concept de… frugalité. Mais enfin que l’on choisisse de parler d’innovation Jugaad, de zizhu chuangxin (son nom chinois), de gambiarra (Brésil), de Do-It-Yourself (un concept américain un peu plus connu ici), d’innovation frugale ou de système D… Il me semble que le principal est ailleurs. 🙂
La vraie nouveauté pour laquelle prêche Navi Radjou, c’est de diffuser ce concept sur une grande échelle, en dehors des cercles habituels, généralement familiaux ou locaux. Principaux agents de cette transformation : les entreprises et les états.
Les entreprises doivent développer une nouvelle logique et se recentrer sur la valeur qu’elles souhaitent apporter aux consommateurs de leurs produits ou services. Le vrai défi actuel consiste à proposer des solutions qui, tout en étant plus simples et économes, n’en ont pas pour autant une valeur moindre par rapport à celles qui les ont précédées. Une véritable gageure pour des experts habitués à faire plus dans la complexité que dans la simplicité… ou la frugalité. Pour vous en convaincre, demandez-vous combien de ces super-produits du quotidien vous n’utilisez qu’à 10 ou 20 %, peut-être 30 % de leurs capacités ? Leur accorderiez-vous moins de valeur si ils répondaient simplement à tous vos besoins ?
Pour les états-providence, l’enjeu est de sortir d’une logique de simple financier pour faciliter cette transition. Un rôle de facilitateur ou d’« empowerer » (amis traducteurs, je reste ouverte aux débats concernant une meilleure traduction du terme « empowering » 🙂 )
Illustration(s)
En rédigeant cet article, je me suis rendue compte qu’en fait nous baignons depuis quelque temps déjà dans le concept d’innovation Jugaad : ainsi, les inventions découvertes dans le projet 1000 pionniers, qui s’est justement clôturé il y a quelques jours, répondent parfaitement à sa définition. Elles ont maintenant besoin d’être diffusées et de trouver les soutiens financiers qui leur permettront d’être diffusées à grande échelle. Si vous ne connaissez pas, je vous invite à lire mon précédent article sur le sujet ou mieux, à retourner sur le site 1000 pionniers pour les découvrir. Vous pouvez aussi découvrir la démonstration (brillante) de l’association américaine Embrace (mentionnée par Navi Radjou lors de la conférence), qui a mis au point des couveuses d’un nouveau genre. La démonstration est là.
Convaincu(e)s ? 🙂 Je vous conseille de poursuivre et compléter avec le site des Up Conférences et aussi de lire le livre de Navi Radjou, « L’innovation Jugaad ». Et je vous invite si vous le souhaitez à poursuivre la discussion sur le sujet, ici ou ailleurs. Bonne exploration !