Comment ça va, vous ? Personnellement, je vous avoue que j’ai passé la semaine un peu dans le brouillard, entre tristesse face aux vies fauchées dans un quartier, des lieux et une ville que je connais de près, et envie de me reprendre en main pour mieux profiter et faire quelque chose d’une vie que j’ai la chance de vivre.
Tâche peu aisée dans une actualité médiatique pleine, de scènes et de déclarations de guerre, que ce soit à la télévision, à la radio, ou sur Internet. Il y a une semaine, je me préparais à passer une première quinzaine de décembre sur un mode à la fois militant et festif, en participant à différentes initiatives citoyennes organisées en périphérie de la grand-messe de la COP21. Depuis une semaine, avec les attentats, le volet « société civile » de la COP21, celui qui devait faire du bruit pour tenter de mobiliser plus largement autour des enjeux qui seront discutés par des experts alors même qu’ils nous concernent tous, même si peu nous sommes peu à les comprendre dans leur globalité et surtout à saisir leur importance dans les crises actuelles (Nicolas Hulot en parle dans cette interview consacrée au Nouvel Obs cette semaine), a été quelque peu raboté.
C’est dans un état d’esprit toujours triste et un peu frustré, mais dans l’envie de voir quelque chose de positif et aussi de sortir de mon mode boulimie d’infos de la semaine que j’ai décidé d’aller voir le film Demain, qui passait en avant-première près de chez moi hier soir. Demain, c’est sans doute le premier film grand-public dont je sens qu’il a le pouvoir de sensibiliser et de vraiment mobiliser un plus grand nombre, au-delà du cercle des seuls « écolos » et autres « transitionneurs » déjà convaincus, pour changer les choses. La différence de Demain, c’est que même s’il parle du sujet environnement et rappelle, brièvement, la gravité de la situation de la planète, il choisit ensuite délibérément d’aller voir le versant positif plutôt que les problèmes : les initiatives que des hommes et femmes ont mis en place, un peu partout dans le monde, pour consommer et vivre autrement, et ainsi réduire leur impact sur la planète.
Mon but n’est pas de commenter plus le film, dont vous trouverez une critique plus pertinente ici. Evidemment, le film m’a (beaucoup) plu. Mais ce qui m’a le plus interpelée, au-delà de la projection, c’est le témoignage de la représentante de l’une des associations citoyennes venues pour se présenter à l’occasion de l’avant-première : elle a raconté brièvement comment elle avait milité au sein d’une association de militants écologistes pendant des années avant de se rendre compte qu’elle avait envie et besoin de passer à une autre approche. Une approche dans laquelle au lieu de dénoncer les problèmes et les crimes climatiques, elle changeait d’échelle et tentait de regarder autour d’elle ce qui se faisait concrètement pour passer à un autre mode de vie, pour adopter de nouvelles habitudes et sensibiliser ainsi autour d’elle à ces possibilités. Dans sa nouvelle association, elle est passée d’un mode d’expression plutôt « offensif » et dénonciateur, un mode d’expression de beaucoup d’associations environnementales et médias militants, à un autre type d’expression : un mode d’expression plus positif et constructif, qui permet de faire résonance avec le plus grand nombre. De fait, on reproche souvent leur agressivité et leur « rigidité » aux militants écologistes : si l’on se met à leur place, et que l’on voit la taille des lobbies et acteurs économiques auxquels ils sont confrontés, alors cette même agressivité m’apparait non seulement comme une réaction normale et totalement humaine (qui se sent agressé, riposte), mais aussi nécessaire (comment se faire entendre autrement ?).
Malheureusement, cette agressivité et le mode de narration utilisé par les militants « purs » (sans parler de la narration qui est faite de ces mouvements) sont justement les éléments qui ont fait que j’ai été moi-même, pendant des années, totalement hermétique à leurs discours. Il est évident que même s’ils sont indispensables pour dénoncer et défendre beaucoup de causes, ils ne permettront pas d’atteindre une « masse critique », c’est-à-dire de sensibiliser et mobiliser toutes les personnes qui, au-delà des politiques et gouvernements, sont celles qui doivent changer leur vision du monde, leur mode de vie, et se mobiliser pour montrer à nos gouvernements qu’elles le veulent. Un autre panel de militantismes, armé d’outils de narration différents, est nécessaire.
De nouvelles scènes narratives pour la COP21
Demain est l’un des beaux produits que peut produire cette nouvelle narration, et je lui souhaite une carrière à la hauteur (la sortie est programmée le 2 décembre en France). Outre le cinéma, les autres formes artistiques peuvent également contribuer à cette nouvelle narration : à l’occasion de la COP21, plusieurs scènes s’ouvrent pour lui laisser la place, et proposent à des artistes et créatifs de tous bords de participer. Sur Paris, ces scènes seront installées à plusieurs endroits et sous différentes formes : au 104, la Coalition Climat 21 a installé la Zone d’Action Climat, le lieu d’information parisien central sur la COP21, avec des projections, des performances artistiques qui accueillera notamment beaucoup de classes d’école.
A la Gaîté lyrique, la manifestation ArtCop21 réunira artistes, professionnels, scientifiques et penseurs pour explorer et réfléchir aux enjeux culturels liés au dérèglement climatique, avec au programme toute une série de projections et conférences du 1er au 11 décembre. Et près de la gare du Nord, ce sera Place To B, « lieu hybride » à la fois espace d’hébergement, de coworking, de création, de réflexion, de performances artistiques, d’échanges. Installé à cheval entre une auberge de jeunesse et un bar, Place To B accueillera des journalistes, blogueurs, artistes, créatifs, mais aussi citoyens lambda comme vous et (aussi :)) moi. L’idée : se réunir et « brainstormer » tous ensemble pour créer de nouveaux modes d’expression et de narration sur le climat, afin encore une fois de sortir des cercles d’initiés et de sensibiliser davantage de personnes à notre avenir. Pour casser la « montagne climat », celle qui nous paraît tellement énorme que nous restons sans rien faire, parce que nous nous sentons impuissants face à elle. Le programme complet sera publié ce lundi 23 novembre.
Place to B sera (un peu) ma maison pendant les 15 jours de la COP21, même si j’irai aussi voir les autres lieux mentionnés ici et d’autres. Pour toucher du doigt cette nouvelle narration, voire vous y plonger, la faire vôtre et peut-être contribuer, je vous recommande de chercher votre propre maison. Au vu des multiples événements proposés en marge de la COP21, je suis sûre que vous trouverez 🙂
Bonus
Le magazine Terraeco propose un MOOK spécial climat pour la COP21 : http://bit.ly/1laETtB
A noter, la sortie en DVD d’un autre chouette film sur la transition, En quête de sens, dont j’avais parlé là et que vous pouvez commander là
Les événements organisés par le mouvement de transition France : http://www.transitionfrance.fr/Energie/cop21/
Un calendrier non exhaustif mais assez riche d’événements ouverts au public : http://bit.ly/1E3oz17